chapitre 8
Un mois plus tard, Karine acceptait enfin de s’inscrire à l’aquagym.
J’avais fait le forcing, j’avais argumenté sur les copines, je l’avais accompagnée pour acheter un maillot de bains, j’avais des prix…
Je la voyais de plus en plus souvent. Nous sortions ensemble, au cinéma surtout, parfois au restaurant, mais ce n’était pas toujours simple. Karine s’installait peu à peu dans ma vie sans que je m’en rende vraiment compte, sans que je veuille vraiment l’admettre. Si je n’avais pas de nouvelles pendant trois jours, je l’appelais. L’été approchant, nous avons commencé à faire des projets de week-ends et de vacances.
Un soir, elle m’a tenu la jambe au téléphone pendant deux heures. Elle s’était renseignée sur tous les stages de remise en forme possibles et imaginables à la campagne, via internet. Elle avait éliminé la mer et la montagne, forcément, à cause des précipices et de la profondeur insondable, éliminé les sauts à l’élastique, les gorges du Verdon, la planche à voile, le vélo tout-terrain, le delta-plane, l’avion et tout ce qui s’y rapportait, la pêche, la chasse, le macramé, le cheval, d’autres encore. Cela réduisait bien le champ d’investigations. Elle disait avoir trouvé quelque chose.
Un séjour à la ferme, pas loin de chez elle, dans le Limousin. Il paraît qu’on appelle ça une « ferme de santé »… Quatre jours en petit groupe avec un médecin spécialiste de la spasmophilie et des médecines douces. Elle était enthousiaste. Un peu trop à mon goût. Au fil du temps, j’avais appris à me méfier de l’enthousiasme thérapeutique… Cette idée d’immersion dans un groupe d’inconnus qui pataugeaient sûrement dans le même marécage que nous ne me disait rien qui vaille. Ne valait-il pas mieux faire l’inverse, s’en écarter au maximum, voir d’autres gens, se changer les idées justement, sortir du cercle où nous nous enfermions ? Rien à faire. Elle en démordait pas. Et elle savait argumenter aussi… Elle disait que les médecins n’arrivaient pas à suivre, qu’il fallait consulter des gens ayant de l’expérience sur le sujet, des idées neuves, des gens qui comprendraient nos problèmes, qui sauraient ce qui marche et ce qui ne marche pas. Il y avait de nouvelles thérapies, elle le savait, elle avait toute la doc, je pouvais lui faire confiance, ça se tenait. Il ne faut pas faire les erreurs que d’autres ont déjà fait, disait-elle, il faut les écouter, profiter de leur expérience. Ce serait stupide de passer à côté si l’on avait une chance de se soigner efficacement, de se sortir de là une fois pour toutes. Ce serait trop bête, non, Isabelle ?
Oui, peut-être…
Et puis quatre jours seulement, ce n’était pas très cher, c’était des vacances, qu’est-ce qu’on risquait ? On garderait encore deux ou trois jours pour visiter la région, elle connaissait, elle me guiderait, c’était magnifique, c’était impossible sans moi…
Bon… J’ai essayé de parler de randonnée pédestre, de châteaux de la Loire, ou de Mont Saint-Michel, mais elle ne m ‘écoutait pas. Elle avait raison, c’était nul. Au bout de deux heures j’ai dit OK. J’ai dit oui, peut-être, je vais y réfléchir… Je voulais en parler à Christiane.
Karine connaissait Christiane, mais à peine. Juste une rencontre à la piscine, et quelques mots. Je me suis dit que c’était l’occasion de les inviter à dîner, toutes les deux. Karine n’était jamais venue chez moi. J’avais comme une appréhension, c’était tellement différent de chez elle… Le quartier, l’immeuble, l’appartement, les gens, l’ambiance… Je ne pouvais plus reculer, il fallait que je me décide. J’ai juste demandé deux jours de délai, le temps de faire le ménage, ranger les bouquins, les placards, traquer la poussière, les moutons, laver les carreaux, acheter des fleurs, refaire une inspection, ne rien oublier…
Le vendredi soir, Karine a débarqué la première. Elle a à peine jeté un coup d’œil au décor en entrant, n’a même pas demandé à visiter, une bise et elle s’est laissé tomber dans la canapé :
- Ah la vache ! Je suis vannée ! Je boirais bien quelque chose ! Mais c’est génial chez toi ! On se croirait à la campagne, comme chez ma sœur ! C’est adorable ! Ca te ressemble… Qu’est-ce qu’on est bien dans ce canapé !…
C’est tout ?
Ouf ! Je me suis laissé tomber aussi dans le canapé. C’est vrai qu’on était bien…
Elle m’a déballé toute sa doc sur le séjours à la ferme. Un dossier complet, avec photos, programme, lettres de remerciements… Impressionnant…
Christiane est arrivée en retard, à cause du dentiste. Une heure basculée en arrière dans un fauteuil avec le cœur qui cogne, la tête qui tourne, un projecteur dans la figure, une aiguille dans les gencives, un aspirateur sous la langue, et une roulette dans la mâchoire, ça lui avait scié les pattes et déglingué le sens de l’équilibre. Je lui ai fait de la purée mousline, avec du jambon coupé en petits dés, après ça allait mieux. Elle a retrouvé de la voix et des couleurs.
Elle était d’accord avec Karine à propos de la ferme de santé. D’ailleurs c’était pas compliqué, elle était d’accord avec tout ce que disait Karine. J’ai essayé d’expliquer que je n’avais pas précisément envie d’aller passer mes vacances avec des spasmophiles, sur quoi Karine a demandé si je disais ça pour elle, et j’ai dû expliquer que c’était ridicule, qu’elle savait très bien que je ne voulais pas dire ça… Ca me fatiguait… Et puis j’étais bien contente qu’elle ait accepté de me rejoindre à l’aquagym… Je pouvais faire un effort de mon côté… J’ai dit d’accord, et on a fait tinter nos verres.
L’heure avançant, la conversation dériva.
Après avoir épuisé le sujet du tourisme, celui de la santé, du travail, de la ville, de la pollution, de la culture, comme pour un tour de table au conseil des ministres, nous abordâmes les droits de l’homme. Karine était très intriguée par les deux messieurs qui barbotaient avec application au milieu de quinze mégères semi-apprivoisées à la piscine de la butte aux cailles. Nous on s’étaient habituées, depuis le temps. Et puis, les incongrus avaient leurs favorites, leurs petites chouchoutes… Après tout, ils étaient peut-être là pour faire de l’aquagym, tout bêtement… Et pourquoi pas ? Allez savoir ce qui peut se passer dans la tête d’un homme… Christiane enchaîna sur son ex, dans la série : Faut que j’explique à Karine, que la pauvrette ne refasse pas les mêmes erreurs, si vous saviez, quand on peut faire autrement, une belle fille comme elle… En croisant mon regard, elle a compris qu’il fallait se limiter à la version courte.
- Je sais, je radote, s’agaça-t-elle, mais dis donc, Isabelle, en parlant de piscine, est-ce que tu as des nouvelles de Didier ?…
Ah la petite garce…
- Didier ?
- Oui… Didier quoi !…
- Ca va, j’ai entendu…
- Didier ? Quel Didier ? Renchérit la rouquine.
Non mais elle va pas s’y mettre elle aussi ?…
- Ah bon, tu n’es pas au courant, susurra Christiane avec gourmandise, j’ai pas gaffé, au moins... C’est tout moi, ça...
- Christiane, s’il te plaît, soufflai-je, tu sais très bien que c’est terminé depuis longtemps avec Didier…
- Je sais, mais tu pourrais avoir des nouvelles… On ne l’a plus revu à la piscine…
- Pourquoi j’aurais des nouvelles ?…
- C’est juste pour parler… C’était pas le mauvais bougre ce Didier…
- C’est pas le problème…
- Et puis, longtemps, pas si longtemps en fait… Je me demandais si des fois…
- Vas-y, accouche…
- Non non… si ça doit te mettre en colère…
- Moi en colère ?…
- Je me demandais… Tu sais, des fois, on croit que c’est fini, et puis vlan ! Y a un retour de flamme…
- Vlan ?
- C’est une façon de parler... Je veux dire… Vous auriez pu vous revoir…
- On aurait pu…
- Et plus si affinités…
- Tu sais que tu m’énerves quand tu fais ça, Christiane… Tu le sais pourtant…
- Je fais quoi ?…
- Tu fais l’ânesse pour avoir du foin…
- Tu vois… Tu te mets en colère…
- Je sens que ça monte, là…
- Hé là, vous deux, coupa Karine, vous parlez de quoi au juste ?…
- Didier, son petit ami… enfin, son ex… Tu n’as donc rien dit non plus à Karine ? Pourtant, vous êtes devenues de sacrées bonnes copines, non ? Tu as encore des secrets pour elle ? Pour moi, je comprends, quoiqu’il fut un temps où tu étais bien contente de pouvoir m’en parler de tes petits soucis...
C’est pas possible, elle me fait une crise de jalousie ou quoi ? Bien sûr que j’en ai des secrets, comme tout le monde, ai-je répondu, tout un jardin, pas un jardin à la Française, un jardin Anglais, bien en désordre, ça part dans tous les sens, je l’entretiens, rien d’extraordinaire, vous n’en avez pas des secrets, toutes les deux.
Elles ont admis qu’elles en avaient.
- Ecoute Christiane, fis-je, si on s’énerve maintenant, on va encore passer la nuit dans les cauchemars… Je ne l’ai pas revu, c’est terminé, j’ai eu de ses nouvelles, il va très bien, il a une petite amie et il revient à la piscine de temps en temps… Tu as d’autres questions ?…
Elle tripotait la bretelle de son soutien-gorge, ce qui était chez elle l’équivalent de tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler.
- En fait, fit-elle enfin, en fait, je n’ai jamais très bien compris pourquoi vous vous étiez séparés… Tu n’as jamais voulu m’en parler… Je sais que tu n’aimes pas que l’on te pose des questions indiscrètes…
- Moi ?… C’est une rumeur qui n’ aucun fondement…
- Je sais, je suis trop curieuse, mais il était pas désagréable, ce garçon, à tous points de vue... Où est-ce que ça a coincé ?
- A ton avis ?…
- Non ?…
- Si.
- Mais comment ?…
- Sur un bateau. Un ferry-boâte, précisément…
- Non ?
- Si.
- Euh, intervint Karine, sans indiscrétion, j’ai un peu de mal à vous suivre... C’est la première fois que j’entends parler de ce Didier, et je ne connais pas plus le début de l’histoire que la fin... Pourquoi est-ce que tu ne m’en as jamais parlé ?
- Tu ne me l’as pas demandé...
C’était ma réponse favorite quand on me posait ce genre de questions, mais je voyais bien que c’était ridicule avec elles. De toutes façons, c’était du passé révolu. Pour ce qu’il y avait à cacher…
- Je ne sais pas où ils vont chercher leur confiture de myrtilles, a monoprix, continuais-je, mais c’est pas croyable, ça a vraiment le goût de myrtilles, le vrai, pas comme dans les pots...
- Si tu ne veux pas nous raconter la fin, suggéra Christiane, raconte au moins le début, pour Karine, c’était plutôt pas triste... Et puis toutes les trois, nous sommes un peu dans le même bateau...
Elle savait très bien qu’une fois lancée…
Karine hochait la tête comme un petit chiot sur la plage arrière d’une voiture de Bidochons.
En fait, j’avais de plus en plus envie de la raconter cette histoire. La raconter une fois pour toutes, et ne plus y penser. C’est ce qu’il fallait faire. Il fallait que ça sorte. Mettre Didier dans une petite boîte, avec un joli ruban autour, tout au fond de ma tête, et ne pas l’oublier. Et puis, ce n’était pas comme remuer de mauvais souvenirs. Il n’y avait pas de blessure, pas de couteau dans la plaie. Ce n’était pas une histoire triste, c’était plutôt une belle histoire, avec des moments difficiles, mais aussi des moments de vrai plaisir, de vrai bonheur. Elle s’était terminée parce qu’elle ne pouvait pas durer plus longtemps, c’est tout. Je n’étais plus certaine de me souvenir de tout. Même en faisant un effort de mémoire, certains détails pénibles m’échappaient, devenaient flous. Mon cerveau avait entrepris de les effacer, comme s’il voulait faire de la place pour autre chose, mais je ne savais pas encore pour quoi. Il y a des moutons sous le lit dans ma tête, il va falloir que je me décide à passer l’aspirateur.
On a porté un toast à ce brave Didier, et j’ai commencé à raconter. Tout. Depuis le début.
J’avais rencontré Didier six mois auparavant, un
dimanche matin, à la piscine de la Butte aux cailles.
Tout de suite, il m’a trouvée chiante. Je le sais.
Je terminais mon cours d’aquagym par une petite
séance de battements de pieds, bien accrochée à ma planche, et pas loin du
bord. Il a plongé devant moi, puis est ressorti juste sous mon nez, avec un
grand sourire. D’abord j’ai fait comme si de rien n’était, alors il s’est mis à
tourner autour de moi, en faisant des cercles rapprochés, comme un requin qui
flaire sa proie.
Je ne sais pas d’où ça vient, mais c’est un fait
confirmé par la pratique : dès qu’il y a des filles dans une piscine, les
garçons qui s’y trouvent ne peuvent pas s’empêcher de faire les intéressants.
Ca les prend tout petits, et ça persiste
bien après l’âge de la retraite. Le syndrome de Tarzan, ou je ne sais
quoi d’atavique, qui remonterait aux rituels de séduction de très lointains
ancêtres batraciens. Ca les démange
quelque part, c’est pas possible. Peut-être à cause de cette semi-nudité
inhabituelle à la ville, à cause de la tiédeur de l’eau, des vapeurs de chlore,
de la proximité des corps... Difficile à dire, mais amusant à observer.
- C’est plutôt mignon, hoqueta le requin, votre
ballet aquatique, vous et vos copines... Enfin, surtout vous, je veux dire...
Chouette, pensais-je, un adepte du « Je veux
dire... ». Vous savez, ces gens qui ne peuvent pas s’empêcher de terminer
une phrase sans la ponctuer par un « Je veux dire... » qui ne veut
rien dire, mais qui voudrait bien dire, aussi, par certains côtés… Ils doivent
faire partie d’une secte, ou d’une société secrète quelconque, et c’est leur
signe de reconnaissance à eux... Pour d’autres, le mot de passe sera
« dites-moi… », ou « donc », au moins tous les cinq mots,
ou les classiques « tu sais quoi ? » « je vous dis
pas » « écoutez », toujours en début de phrase. Les adolescents,
eux, sont affligés d’un tic qui les oblige à mitrailler leurs interlocuteurs
avec l’adjectif « trop », comme on le ferait avec un Kalachnikov, et
si cela n’est pas suffisant, on achève la cible à grands coups de « t’es
ouf », « grave », « tranquille », « relou », le fin du fin étant de les grouper tous à la
fois en une même phrase, une mantra, que l’on répètera 1758 fois par jour,
comme le Hare Krishna, avec de légères variantes, du style : « Non
mais t’es trop ouf, toi ! T’as vu la meuf ! Elle est
grave relou... rest’ tranquille toi !... » Suivi du
méconnu : « Ah ouais... tranquille le plan... trop grave la meuf, elle kiffe ton portable,
je l’crois pas ! Stiron…» Ou bien : « Trop relou toi, tranquille
la meuf !… J’suis pas ouf, moi... grave grave… »
Le marsouin attendait certainement une réponse,
pour vérifier si j’en étais...
Je fis un effort pour rester concentrée sur la
ligne de nage et sur mon battement de pieds, mais l’animal n’avait pas
l’intention de lâcher prise. Il replongea, passa juste sous mon corps, ce qui
me donna la chair de poule, puis revint se planter devant moi, m’obligeant à
m’arrêter, agrippée à ma planche. Il allait falloir parlementer…
- Je vous embête ?
Génial. Il avait un sourire niais et posait des
questions idiotes. Trois répliques bien cinglantes auraient suffi pour lui
faire boire la tasse, mais il n était pas franchement vieux, ni
franchement moche... Pas question de passer pour une asociale, une mijaurée ou
une sainte nitouche, surtout devant les
cocottes de l’aquagym... Plutôt crever... d’autant plus que ça
commençait à glousser ferme dans le poulailler, de l’autre côté du bassin. Me
connaissant, les garces se doutaient de ce qui allait se passer, et s’en
réjouissaient par avance...
- Pas du tout, répondis-je, en m’efforçant de
conserver une allure parfaitement distante et décontractée, enfin, pas
vraiment, je veux dire, rajoutai-je...
Pas pu m’empêcher. Plus fort que moi. Pourtant
s’il y a un endroit où j’évite de faire la maline, c’est bien quand je suis
dans l’eau... Toujours est-il qu’il a dû prendre ça pour une invitation, parce
qu’il s’est fait nettement plus pressant, et qu’il a posé sa main sur ma
planche.
- Vous me la prêtez ?
Il y a juste un truc qu’il ne pouvait pas savoir,
le pauvre chéri, mais que les cocottes savaient...
Quand je suis dans une piscine, il ne faut surtout
pas s’approcher, et encore moins toucher.
Ni moi, ni ma planche.
Je fais déjà un gros effort de volonté pour aller
là où j’ai pas pied, et pour m’éloigner un tant soit peu du bord, en essayant
de me persuader que la fosse des Mariannes est ailleurs, du côté du Japon, mais
pas sous moi. Si on me laisse tranquille, j’y arrive très bien. Ce n’est qu’une
toute petite victoire, mais ça me regarde, et qu’on me foute la paix avec ça...
Mais si on me chahute ou qu’on essaye de jouer avec moi là-dedans, c’est la
panique. Je file en courant. Le problème, c’est pour courir là où je n’ai pas
pied...
J’ai poussé un petit cri strident qui a fini
d’attirer l’attention sur nous. Cette fois c’est sûr, tout le monde nous
regardait. J’ai bredouillé : « Laissez-moi, s’il vous plaît... J’ai
peur de l’eau... » mais ma voix chevrotait, et ma respiration s’accélérait
dangereusement...
« L’essentiel, c’est que vous n’ayez pas peur
de moi, susurra-t-il, j’ai été maître-nageur dans une autre vie... »
Il fallait que je regagne le bord d’urgence, parce
que maintenant, je sentais comme le poids de l’eau sur ma poitrine... J’ai fait
un mouvement brusque pour me dégager, j’ai senti le contact de sa main sur mon
épaule, et puis comme un fusible qui sautait dans ma tête. J’ai tenté de me
coller à la planche, mais cela m’a fait basculer, et j’ai bu la tasse.
J’ai lâché la planche.
Le bord, vite. Mais où était-il ? Je ne savais plus…
Je me suis mise à battre l’eau avec mes pattes
avant, comme un chiot apeuré. Ma tête refusait de rester à la surface... Les
yeux me piquaient, je suffoquais, je n’y voyais plus rien. J’ai senti un bras
s’enrouler autour de ma taille et m’entraîner irrésistiblement. Alors j’ai
hurlé. Hurlé, hurlé tout ce que je pouvais. J’ai vidé mes poumons. Rien à
foutre. Et puis j’ai heurté quelque chose. C’était l’échelle métallique. Je m’y
suis accrochée des deux mains, si fort, que personne au monde n’aurait pu me
faire lâcher prise.
J’ai toussé, et j’ai essayé de calmer ma
respiration, les battements de mon cœur, comme j’avais appris à le faire. Le
débile nageur était collé contre moi, mais il ne rigolait plus du tout. C’est
pas possible, il en profitait ce petit salaud, avec ses cheveux noirs qui lui
retombaient dans les yeux, il bredouillait des excuses, je ne sais plus,
quelque chose comme : « Excusez-moi... Je suis désolé... je ne voulais
pas... je ne savais pas... » Il avait l’air encore plus paniqué que moi ce
con, d’ailleurs je crois que je le lui ai dit, que c’était un con, un petit
con, c’était le seul mot qui me venait à l’esprit. Et puis j’ai eu une
sensation bizarre dans le ventre, comme un spasme, comme un frisson de plaisir.
Je sentais le contact de sa peau contre la mienne, et je voyais les gouttes d’eau
qui coulaient sur son visage et sur ses épaules. C’était stupide, mais j’ai eu
envie de me coller contre lui, et de lécher ces gouttes d’eau sur sa peau. Je
n’osais plus bouger. Lui non plus. J’ai vu Christine et Josiane, juste
au-dessus, en haut de l’échelle, en train de se marrer comme des clés à
molette. Fallait s’y attendre.
« Alors les tourtereaux, lança finement
Josiane, on veut jouer à Loft Story, mais on a passé l’âge, hein »
Ca m’a dégrisée. Elles m’ont dit ensuite que je
les avais insultées, mais c’est très exagéré. Je crois que j’ai juste
dit : « Vos gueules, pétasses ! »
Ca m’a échappé.
Je déteste la vulgarité. Je me suis excusée par la suite. Et puis entre
bonnes copines, pétasses, c’est pas une insulte...
Quand je suis sortie de la piscine, Le beau Didier m’attendait sur les marches des escaliers.......................
LA SUITE DE CE CHAPITRE DANS LE LIVRE ............
pour ceux qui ont envie de connaître la suite.....